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L’Ambaris : Produit du terroir, raconte-moi ton histoire

par | 5 Mai 2021 | Actualités

jarres Ambaris Reine Abi Khalil

Elément important du patrimoine culinaire libanais, l’Ambaris est un lait fermenté, de couleur blanchâtre, à texture granuleuse mais tartinable, fabriqué à base de lait cru de chèvre. Plus qu’un fromage, il occupe une place essentielle au cœur de la gastronomie libanaise.

Il est exclusivement fabriqué dans certaines régions du Liban, plus particulièrement dans les zones rurales. Ce produit artisanal est élaboré grâce à savoir-faire ancestral transmis de génération en génération. Ses caractéristiques uniques sont le résultat de plusieurs facteurs combinés tels que le climat, la végétation ou les pâturages, les races, les méthodes de production, les ustensiles utilisés et, surtout, les communautés microbiennes qui colonisent le lait.

 

Reine Abi Khalil, doctorante en co-tutelle entre PURPAN Toulouse et l’Université Libanaise, travaille sur la caractérisation biochimique et microbiologique de ce produit traditionnel libanais. Elle nous décrit son procédé de fabrication.  

© Photo par Reine Abi Khalil pendant sa campagne d’échantillonnage au Liban

© Photo par Reine Abi Khalil pendant sa campagne d’échantillonnage au Liban

L’Ambaris est traditionnellement fabriqué pendant les périodes chaudes au Liban entre avril et octobre, à partir de lait cru de chèvre et parfois en mélange avec du lait de vache ou de brebis. Ce lait, additionné de gros sel est placé dans des jarres en terre cuite ayant une petite ouverture à leur base pour évacuer le lactosérum. Le lait est laissé fermenté pendant 7 à 15 jours jusqu’à l’apparition d’un caillé. Le petit-lait est ensuite égoutté pendant une nuit à travers le trou au fond de la jarre. Une fois le drainage terminé, du lait cru est ajouté de nouveau ainsi que du gros sel, et le mélange est fermenté. Ces étapes sont répétées tous les 3 à 7 jours jusqu’à ce que la jarre soit pleine de coagulum. Le produit final est ensuite vidé dans des sacs en tissu pour un drainage supplémentaire du lactosérum et stocké pour l’hiver dans des bocaux, tel quel ou sous forme de boules, avec ou sans huile.

Pourquoi s’intéresser particulièrement à ce produit ?

Comme de nombreux produits traditionnels, ce produit bien qu’apprécié par les consommateurs locaux tend à disparaitre par crainte des risques sanitaires associés au lait cru et en raison du procédé de fabrication, long et laborieux. Aujourd’hui l’Ambaris est également élaboré par des industriels qui simplifient le procédé de fabrication en utilisant du lait traité thermiquement et des matériaux en plastiques ou en inox. Le rendu, plus standardisé, est moins ‘typé’ sur le plan sensoriel que le produit traditionnel. En effet, les communautés microbiennes comme les bactéries indigènes présentes dans le lait cru sont détruites et remplacées par des consortia simplifiés constitués seulement de quelques espèces, ce qui entraine une standardisation des goûts, des arômes et de la texture ainsi qu’une perte potentielle des effets santé du produit.

Mon travail aujourd’hui s’inscrit dans la sauvegarde d’un patrimoine naturel, représenté par un savoir-faire ancestral et par une biodiversité microbienne qu’il est utile de décrire et de préserver. De plus, la vente de l’Ambaris par les producteurs locaux constitue une source de revenu non négligeable pour leurs familles.

 

Quels sont les objectifs scientifiques de votre travail doctoral ?

L‘objectif principal de ma thèse se résume à caractériser ce produit traditionnel libanais sur les plans microbiologique, physico-chimique et sensoriel ainsi que son potentiel antimicrobien. Pour cela, plusieurs sous-objectifs se placent :

  1. Identifier et caractériser les espèces microbiennes majoritaires dites « clef de voute », impliquées dans la fermentation du produit
  2. Caractériser le produit fini sur les plans nutritionnel, physico-chimique et sensoriel
  3. Suivre et analyser l’évolution du microbiote et du microbiome tout au long de la fermentation
  4. Etudier les effets antimicrobiens du produit en cours de fermentation et sur le produit fini.

© Jarres d’Ambaris photographiées par Reine Abi Khalil pendant sa campagne d’échantillonnage au Liban

© Jarres d’Ambaris photographiées par Reine Abi Khalil pendant sa campagne d’échantillonnage au Liban

Ce travail permettra également de constituer une banque de souches spécifiques au produit qui seront inscrites à la collection libanaise, de préserver ainsi le patrimoine microbien national et d’envisager des études ultérieures sur ce matériel microbiologique.

Pour finir, pouvez-vous nous décrire l’Ambaris ? Est-il possible d’en trouver en France ?

C’est assez compliqué à décrire, mais ce produit a une texture tartinable qui ressemble au « cream cheese », c’est agréablement acide, salé comme la Feta, et bien évidemment, il a un goût de chèvre typique. Actuellement, il est impossible de trouver ce produit en France sauf dans certaines régions libanaises réputées pour sa fabrication.

Un dernier mot ?

En tant que libanaise, et avec toutes les crises que traverse mon pays, je suis tellement fière de ce patrimoine qui remonte jusqu’à 2000 ans. J’aimerai bien que l’Ambaris, ce produit lié étroitement à son terroir, soit connu sur le plan mondial et encourager ainsi sa commercialisation.

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