Les vins pétillent dans le Sud-Ouest : produit du terroir, raconte-moi ton histoire

par | 26 Mai 2021 | Actualités

jarres Ambaris Reine Abi Khalil

Champagne, Proseco, Cava… Ces vins connus dans le monde entier sont des mastodontes au cœur du marché des effervescents. Ils accompagnent joyeusement les repas de fin d’année ou les apéritifs entre amis et, consommés avec modération, ne laissent que peu de séquelles les lendemains de fêtes.

Si les effervescents produits en France ont profité de la bonne dynamique des Champagnes jusqu’en 2018, ils ont trinqué de la crise sanitaire. En effet, entre 2019 et 2020, les exportations mondiales d’effervescents ont subi une baisse de 5% en volume et 15% en valeur. Le champagne fait d’ailleurs grise mine puisqu’il a été le plus durement impacté avec un recul de ses volumes expédiés de 18% ce qui représente une perte de chiffre d’affaires considérable autour d’un milliard d’euros. En revanche les Proseccos italiens, moins chers et davantage associés à l’apéritif, ont continué leur progression sur les marchés internationaux. Preuve qu’ils ont le vent en poupe, en 2021 ils ont détrôné les Champagnes, après 70 ans de partenariat, des podiums de la Formule 1.

Au milieu de ces géants, difficile de se faire mousser ! Pourtant, dans le contexte actuel, certaines productions relativement confidentielles pourraient se faire une place. Pour cela, elles doivent répondre aux attentes des consommateurs qui recherchent des vins sans défauts, faciles à boire et à un prix raisonnable. Ceux-ci sont en quête d’authenticité et de boissons avec un ancrage territorial fort.

vin blanc pétillant Source : Istock - Crédits : Oleg Elkov

vin blanc pétillant Source : Istock – Crédits : Oleg Elkov

Un vin effervescent produit dans la région qui s’étale sur les deux rives du Tarn, jusqu’à Albi à l’est et Saint-Sulpice à l’ouest, répond à ces tendances. Au sein de l’AOP Gaillac « méthode ancestrale », sa méthode d’élaboration éponyme appelée également « méthode gaillacoise », est historiquement celle à l’origine des vins effervescents, avant même la découverte de la méthode champenoise (ou « traditionnelle »).

Elaborés exclusivement à partir de Mauzac, un cépage autochtone du Tarn, les effervescents de méthode ancestrale sont issus de raisins récoltés à la main. Une fois pressé, le jus (= moût) qu’ils donnent, fermentent dans une cuve. Au cours de cette étape les sucres naturellement présents sont transformés en alcool (= éthanol) grâce à des microorganismes, les levures, appartenant à l’espèce Saccharomyces cerevisiae.

C’est à cette étape que les vins de méthodes ancestrales vont se différencier des autres effervescents cités précédemment (Champagne, Proseco…). En effet, alors que les vinificateurs champenois attendent que les levures aient consommées la totalité des sucres présents dans le moût, ceux de Gaillac stoppent la fermentation alcoolique avant son terme. De ce fait, le moût partiellement fermenté conserve plusieurs dizaines de grammes de sucre par litre de jus. Pour stopper l’activité des levures en fermentation dans le liquide, le vinificateur n’a pas beaucoup de choix. Il doit abaisser la température autour de 0°C puis filtrer pour éliminer toutes les levures fermentaires.

Le moût partiellement fermenté, autrement nommé « vin de base », est ainsi conservé pendant quelques semaines à basse température avant l’étape qui lui permettra de s’enrichir en bulles.

Pour ce faire, il est mis en bouteille en présence de levures. Durant au moins deux mois, ces dernières vont fermenter à nouveau. En plus de l’alcool, elles produisent du dioxyde de carbone. C’est lui qui va se dissoudre dans le vin et être responsable des bulles présentes dans les effervescents. Inévitablement, cette « prise de mousse » conduit à une diminution de la teneur en sucre. Selon le style qu’il veut donner à son effervescent, le vinificateur va pouvoir jouer sur la quantité qu’il souhaite laisser. S’il cherche à faire un effervescent sec ou demi-sec il conservera moins de 50 grammes de sucre par litre de vin, s’il souhaite élaborer un doux il en conservera plus. Une nouvelle fois, il utilisera des températures basses pour stopper la fermentation.

dépôt de levures en bouteille  - Source : Istock - Crédits : Arno Linke-Rohn

dépôt de levures en bouteille – Source : Istock – Crédits : Arno Linke-Rohn

Cela va avoir pour conséquence de faire sédimenter les levures au fond de la bouteille. Pour pouvoir être commercialisable, le dépôt qu’elles forment doit être éliminé. Rien de plus simple. Les bouteilles sont placées tête en bas, pour que le dépôt se déplace dans le goulot. Ensuite, celui-ci est immergé dans une saumure pour permettre sa congélation. Place alors au « dégorgement ». Le goulot congelé emprisonnant le dépôt de levure va être expulsé à l’extérieur de la bouteille grâce à la pression à l’intérieur de celle-ci et par simple décapsulage du bouchon. Enfin les quelques centilitres de vin perdu par cette opération sont compensés par remplissage avec le vin d’une autre bouteille provenant de la même cuvée. Bouchage, muselage, et Hop ! le vin est prêt.

Ainsi, la méthode dite traditionnelle ou champenoise se différencie de la méthode ancestrale du fait que le vinificateur doit rajouter du sucre (Liqueur de tirage) pour réaliser la prise de mousse. Il a aussi la possibilité de rajouter une liqueur d’expédition (=de dosage) pour compenser le volume de vin perdu lors du dégorgement. Celle-ci se compose de sucre de canne et de vieux vins de Champagne. Finalement, il est assez simple de comprendre que contrairement à la méthode traditionnelle, la qualité des effervescents produits en méthode ancestrale dépend uniquement de la composition des vins de base.

Vin pétillant Source : Istock - crédits : unpict

Vin pétillant Source : Istock – crédits : unpict

Cette authenticité liée à l’utilisation d’un cépage autochtone et à l’emploi d’une méthode d’élaboration unique, colle parfaitement avec les tendances actuelles du marché. Cependant et au même titre que leurs concurrents français et étrangers les effervescents de méthode ancestrale doivent avoir une politique de recherche forte afin de s’adapter aux attentes des consommateurs et d’anticiper l’évolution de leurs goûts.

L’école d’Ingénieurs de Purpan s’intéresse ainsi à ce produit typique de la région. Grégory Pasquier, chercheur dans l’équipe agromolécules-agroalimentaire cherche à comprendre comment la composition des vins de base joue sur la qualité de l’effervescence. En effet, les consommateurs recherchent des vins avec des bulles fines car celles-ci sont moins agressives que des plus grosses lorsque l’on place le vin en bouche. La composition en protéine des vins de base est un des éléments clés jouant sur la taille de ces bulles. En comprenant précisément leurs rôles, il sera possible d’adapter les itinéraires techniques pour que les professionnels de la filière valorisent au mieux leurs effervescents.

En espérant que ces perspectives puissent aider les professionnels gaillacois à grignoter des parts de marché sur leurs concurrents français et étrangers et qu’en cette période difficile ils retrouvent le goût de sabrer… la méthode ancestrale !

 A écouter aussi : le podcast « AGRO J’ECOUTE » sur le vin naturel

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