A la recherche des océans disparus

par | 17 Jan 2022 | Actualités, Instant BAC SVT 2022

A la recherche des océans disparus

Pour connaître l’histoire de notre Terre, il faut être un véritable détective. Les indices sont partout principalement dans les roches des continents qui gardent en mémoire le passé de la formation de la planète. Les roches et les minéraux des montagnes donnent de nombreuses pistes pour les géologues. Ils n’ont pas tous le même âge, la même composition ou les mêmes structures. Ils sont comme des marqueurs d’une époque, où de nombreux événements géodynamiques ont permis de former les chaînes de montagnes actuelles : ce qu’on appelle l’orogenèse. Les géologues se penchent aussi sur les roches pour lever un autre mystère, celui des océans disparus. Es-tu prêt pour retrouver leurs traces ?

Sur les traces des ophiolites 

Les ophiolites, c’est le nom donné à des roches bien spécifiques. Elles sont un mélange de roches magmatiques tel le gabbro et le basalte ainsi que de la péridotite. Cette association est semblable à la composition de la lithosphère océanique actuelle (c’est à dire la roche des fonds marins). Pour les scientifiques, le lien est donc assez évident. Si l’on retrouve des ophiolites dans une chaîne de montagnes, cela signifie qu’il y a des millions d’années, il y avait un océan à cet endroit. Le terme d’ophiolite vient du grec, ophis, « serpent », et lithos, « pierre » car les ophiolites sont de couleur verte, avec un aspect rappelant la peau de serpent. Ouvrez donc grand vos yeux en montagne, ce n’est pas commun ! Les ophiolites sont un précieux indice pour retracer le passé mouvementé de la formation de nos continents. Généralement, les ophiolites sont ordonnées avec à la base des péridotites (de structure grenue et de couleur verte), surmontées par des gabbros (roche magmatique de texture grenue et de couleur gris bleuâtre) puis des basaltes (roche magmatique volcanique de couleur foncée) parfois ressemblant à des coussins de lave.

Mais comment les ophiolites océaniques se retrouvent dans la montagne ?

Pour que des restes de fonds marins se retrouvent à plusieurs mètres d’altitudes en montagne c’est que deux plaques sont rentrées en collision un jour. Dans la chaîne des Alpes par exemple, on retrouve des ophiolites, où elles se concentrent dans une sorte de bande dans la montagne : on appelle cela une zone de suture ophiolitique. C’est un peu comme une cicatrice d’un ancien océan disparu. Ces fragments de lithosphère océanique se sont retrouvés coincés au moment d’une collision entre deux plaques. La chaîne des Alpes ou bien l’Himalaya se sont formées à la suite de la fermeture d’un océan aujourd’hui disparu : la Téthys.

 

L’obduction © France Agro 3

Pour ce qui est de la collision, deux possibilités sont avancées par les géologues. La première se nomme l’obduction. C’est lorsque la lithosphère océanique recouvre la croûte continentale avec de vastes lames de roches océaniques (et donc des ophiolites) charriées par les mouvements géologiques. Un bel exemple se situe au Maroc à Bou Azzer, où l’on retrouve des ophiolites charriées par obduction.

la subduction

La subduction © France Agro 3

Le deuxième processus est la subduction. Dans ce cas, la lithosphère océanique s’enfonce sous le continent, puis par un processus inverse des morceaux de roche ophiolitique sont remontés et se retrouvent pincés dans la chaîne de montagne par la force de la collision. Si vous vous promenez dans le massif du Queyras (Hautes-Alpes), vous pouvez voir des ophiolites de ce type.

Est-ce que toutes les ophiolites se ressemblent ?

Eh non, ça serait trop facile. Ces roches, vestiges d’océans, ont subi des transformations pendant leur incorporation à la chaîne de montagne. Au cours des mouvements géologiques, les minéraux apparaissent et se transforment selon des domaines de pressions et de températures. Selon la dominance des minéraux retrouvés dans les ophiolites (domaine des schistes verts, des schistes bleus ou des éclogites) on peut connaître les domaines de pression et températures que ces roches ont subi. Ainsi deviner s’il y a eu subduction ou obduction… Un indice supplémentaire pour lever tout le mystère de l’histoire de notre Terre !

Certaines ophiolites ont été préservées des transformations, avec des minéraux stabilisés dans le domaine des schistes verts. Cela signifie qu’elles n’ont pas disparu par subduction mais ont simplement subi un chevauchement de surface lors de la collusion de deux lithosphères. Il y a donc eu, obduction.

D’autres ophiolites montrent des transformations minéralogiques dans les domaines des schistes bleus voire même des éclogites.  Ces ophiolites sont donc entrées en subduction, se sont métamorphisées lentement, puis sont remontées rapidement en altitude lors de la collision continentale.

© France Agro 3

Existe-t-il d’autres indices sur les océans disparus ?

Oui, il faut regarder de plus près des éléments de structure des roches, liés cette fois-ci à la naissance d’un océan. Il y a un endroit en particulier qui nous intéresse, celui des marges passives. Une marge passive continentale est la région immergée au niveau de la bordure d’un continent. C’est l’endroit où la croûte continentale s’amincit et se raccorde à la croûte océanique.

Lors de la formation d’un océan, sous l’effet de l’extension continentale, la lithosphère s’amincie tellement qu’elle finit par rompre. Cette zone de fragmentation continentale s’appelle un rift. En conséquence de l’effondrement du rift, de l’eau de mer rentre, des sédiments se déposent et un océan se crée. Et si l’on regarde au niveau des marges passives, on remarque des failles et une disposition géométrique qui ressemblent à des marches d’escaliers. L’existence de ces blocs est caractéristique des marges passives et marques bien la déchirure continentale et donc de la présence d’un océan en formation. Du coup, si l’on retrouve des blocs basculés avec des sédiments marins en haut d’une montagne, on est alors sur la piste d’un ancien océan disparu. Si vous allez en Bretagne, vous trouverez des ophiolites et des traces de blocs basculés dans le Massif Armoricain. Grâce à cela, les géologues ont les preuves qu’un ancien océan a existé avant la collision de plusieurs blocs continentaux qui ont formé aujourd’hui un bout de notre France.

Une histoire qui continue

Les chaînes de montagnes, notamment les Alpes, se sont formées lors de cycles orogéniques, c’est-à-dire par une suite ordonnée d’évènements :  fragmentation continentale, rift, ouverture d’un océan, puis disparition par subduction ou obduction avec la collision de continents. Grâce aux indices des océans disparus laissés dans les montagnes, les géologues peuvent retracer toute l’histoire. Une histoire qui continue toujours aujourd’hui…

Marion Huré

Marion Huré

En partenariat avec Marion Huré, rédactrice et ingénieure en agriculture – qui marie les mots avec pédagogie et communication. Retrouvez Marion sur Linkedin et Instagram.

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