Le transfert horizontal de gènes

par | 29 Sep 2021 | Actualités

 transfert horizontal de gènes. Sources : Adobe Stock - Crédits : intueri.

Nous sommes tous issus de deux parents et recevons du matériel génétique provenant de chacun d’eux. Notre ADN est donc hérité qu’on le veuille ou non ! Il est transmis par ce qu’on appelle le transfert vertical de gènes, du parent à sa descendance grâce à la reproduction sexuée.

Et que signifie le transfert horizontal des gènes alors ?

L’évolution des êtres vivants a montré que certains gènes ont été acquis par des échanges d’ADN entre deux espèces éloignées… Ces échanges entre individus d’une même génération et non apparentés sont assez fréquents et touchent tous les êtres vivants, même l’être humain ! On aurait donc des morceaux d’ADN provenant d’un être vivant qui n’est pas humain ? Eh oui, il n’y a pas que la reproduction sexuée qui permet le transfert d’ADN. Cette prouesse biologique est possible car l’ADN est universel ! Tout être vivant possède cette structure unique et les mécanismes d’expressions des gènes sont semblables entre espèces. On possède la même carte de lecture de la vie. Ce mouvement de matériel génétique entre les espèces est d’ailleurs une des raisons de la grande diversité du vivant sur Terre.

Mais qui ose donc transmettre des morceaux d’ADN sans demander un consentement ?

Les plus doués sont les bactéries et les virus. Les bactéries sont partout, dans l’eau, dans l’alimentation, dans le sol, dans nos intestins… Elles nous rendent de nombreux services en assurant des fonctions que nos organes seuls ne pourraient effectuer (comme la digestion grâce au microbiote intestinal…). Les virus sont également tout à fait aptes à transmettre des morceaux d’ADN. On les côtoie quotidiennement et ils viennent parfois agiter notre système immunitaire lorsque l’on ne les avait pas invités auparavant. C’est donc avec les bactéries et les virus qui nous entourent que les transferts horizontaux de gènes se produisent.

 

Et comment se passent ces transferts d’ADN ?

Il existe à l’heure actuelle trois types de transferts connus.

Il y a la transformation

Lorsque des bactéries meurent, elles libèrent dans leur milieu une grande quantité d’ADN. Ces morceaux d’ADN libres, peuvent être intégrés par une nouvelle bactérie si les conditions sont favorables. Ce mode de transfert d’ADN depuis le milieu extérieur intervient surtout chez les populations de bactéries présentent dans le sol ou dans les milieux aquatiques.

Il y a la conjugaison :

Conjugaison du gène. Sources : iStock - Crédits : ttsz.

Les bactéries possèdent de petites molécules d’ADN : les plasmides. Une molécule circulaire qui peut être facilement transférée entre deux bactéries. Pour cela, deux bactéries entrent en contact par un pili (pont cytoplasmique). La bactérie donneuse réplique son plasmide et le transmet à la bactérie receveuse qui l’intègre. Elle se retrouve ainsi avec une molécule d’ADN d’une autre. Ce qui est incroyable dans ce mécanisme c’est que ce plasmide bactérien peut être transféré entre deux bactéries d’espèces différentes.

Enfin, il y a la transduction :

Transduction du gène. Sources : iStock - Crédits : ttsz.

Dans ce cas-là, deux bactéries ne suffisent pas. Il faut un élément qui devient le vecteur d’ADN.  Et ici, le premier rôle est tenu par un virus bactériophage. Le virus a besoin d’une cellule « hôte » pour se multiplier. En l’infectant il peut tout d’abord transmettre une partie de son propre ADN (dit viral). Mais il peut également récupérer une partie de l’ADN de la cellule hôte, se multiplier au sein d’elle puis aller infecter de nouvelles cellules avec le matériel génétique provenant de la cellule précédente. Et on entend par cellule, une bactérie mais également une cellule eucaryote (de notre organisme par exemple). L’ADN humain comporterait environ 10% d’ADN d’origine virale !

Avec toutes ces possibilités de transfert d’ADN, le voile se lève donc sur le mystère de la complexité et de la diversité du génome.

Et les conséquences de ces transferts dans tout ça ?

Les gènes transférés donnent de nouvelles propriétés aux organismes qui les reçoivent. On pense tous à des supers-pouvoirs, n’est-ce pas ? Alors même si ces transferts ne nous permettent pas encore de respirer sous l’eau, ils auraient permis à la femme de donner la vie. Les dernières recherches ont montré que le gène humain codant la syncytine est similaire à plus de 80% à celui d’un gène viral (la syncytine étant indispensable à la fusion de cellules pour former le futur placenta chez les mammifères). Ainsi ça serait grâce à un gène transmis par un virus (il y a quelques millions d’années) que le placenta se développe correctement pour nourrir le fœtus… et ça c’est quand même un super-pouvoir ! Grâce aux transferts de gènes, les êtres vivants ont su répondre rapidement aux variations de leur environnement pour s’adapter ou survivre.

En attendant, la modification des écosystèmes bactériens impacte grandement la santé de l’Homme et des animaux sur la planète. Nous avons tellement d’interactions avec les bactéries que la moindre perturbation nous touche également. Le sujet le plus préoccupant étant celui de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Elle est le résultat d’un transfert horizontal de gènes de résistance entre bactéries. Un plasmide contenant un gène de résistance à un antibiotique est transmis à une bactérie voisine de son environnement par conjugaison. Cette dernière recevant le nouveau plasmide, l’intègre à son métabolisme et devient à son tour résistante, ce qui lui permet ainsi de survivre dans son milieu.  80% des résistances sont acquises par ce processus. A la vitesse de multiplication des bactéries, la résistance prend vite de l’ampleur. De plus, la forte présence d’antibiotiques dans les milieux où vivent les bactéries ne fait qu’augmenter la pression de sélection naturelle et augmente l’antibiorésistance. Le risque à l’échelle mondiale étant de plus avoir d’antibiotique efficace pour soigner certaines infections bactériennes. Comme quoi, elles ne nous rendent pas toujours de bons et loyaux services ces petites bactéries… Quoi que ?

Savons-nous tirer parti de ces mécanismes biologiques ?

Les différents modes de transferts horizontaux sont un pilier de la biotechnologie. Le jour où l’Homme a fait cette découverte, il a mis à profit cette propriété des bactéries pour multiplier des gènes d’intérêt. On entend par là, des gènes qui servent à fabriquer une molécule très utile pour nous. La bactérie se met naturellement à la fabriquer étant donné qu’on lui a transmis le gène humain adéquate. Et comment le lui a-t-on transmis ? Par transferts horizontal évidemment ! Et pour être plus précis par conjugaison du plasmide. Comme l’ADN est universel, elle est tout à fait capable de le décoder. C’est ainsi que l’on fait fabriquer aux bactéries des molécules thérapeutiques comme par exemple l’insuline, des hormones de croissance, des interférons… C’est la base de ce qu’on nomme le génie génétique. Reste à savoir qui est le vrai génie dans l’histoire…

En partenariat avec Marion Huré, rédactrice et ingénieure en agriculture – qui marie les mots avec pédagogie et communication. Retrouvez Marion sur Linkedin et Instagram.

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