« Aujourd’hui l’enseignement agricole français compte des acteurs très différents qui peuvent avancer ensemble », Xavier Leprince, nouveau président de la fédération France Agro³

par | 18 Oct 2021 | Actualités

Les écoles des Sciences du Vivant : JUNIA ISA - ISARA - PURPAN

Xavier Leprince, actuellement vice-président de l’école d’ingénieurs Junia, a pris récemment la fonction de président de la fédération d’écoles d’ingénieurs agronomes, France Agro³ pour les 2 prochaines années universitaires. Place des professionnels de l’agriculture en France, nouveaux enseignements, start-ups et ouverture aux partenariats : il nous expose la vision et les projets pour la fédération dans le prolongement du mandat de Myriam Cormary, présidente sortante.

Quelle est le rôle de la fédération France Agro³ aujourd’hui ?

L’agriculture est devenue aujourd’hui un sujet de société incontournable, qui ne laisse personne indifférent, d’autant plus depuis la pandémie de Covid-19. Les préoccupations environnementales prennent toujours plus de place quand nous pensons à l’agriculture et à l’alimentation. Les débats sont nombreux sur la diversité des formes d’agriculture : biologique, conventionnelle, de précision, extensive, intensive, périurbaine et urbaine. Et plus marquant encore, le nombre de reconversions professionnelles ne cesse de croitre : les ex-citadins représentaient 30% des installations agricoles en 2016, soit deux fois plus qu’en 2006 (Gaspard d’Allens et Lucile Leclair, LES NÉO-PAYSANS. Seuil / Reporterre, 2016) France Agro³ prends sa part dans ce mouvement en formant les jeunes ingénieurs agronomes de demain. La fédération doit contribuer davantage et prendre toute sa place dans le débat avec les pouvoirs publics. Elle s’implique d’ores-et-déjà au côté du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, très impliqué dans cette mission de soutien à l’agriculture via la formation des nouvelles générations.

Actuellement, la fédération prolonge et renforce l’action de ses écoles à l’échelle nationale pour promouvoir les multiples métiers de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement. Ces écoles – Junia ISA à Lille, ISARA à Lyon et Avignon et l’école de Purpan à Toulouse – sont implantées du nord au sud sur des territoires agricoles diversifiés. La fédération consolide ces différents ancrages pour porter un objectif commun : susciter l’intérêt des jeunes pour les métiers des sciences du vivant. Nous savons qu’ils sont préoccupés par les enjeux du développement durable et de l’environnement. Les orienter vers ces métiers est un bon moyen de les encourager à rejoindre une profession en accord avec leurs convictions. Dispenser un enseignement permettant à ces jeunes de débuter une carrière dans ces domaines est au cœur de nos préoccupations.

Quels enseignements d’avenir dans les écoles d’agronomie ?

Les métiers de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement deviennent de plus en plus techniques : nous devons anticiper les innovations afin de former nos élèves à maîtriser les outils et les méthodes de demain.

Parmi les enseignements classiques allant des sciences agronomiques à la gestion d’entreprise, nos écoles proposent d’approfondir l’agroécologie. Ce domaine est déterminant pour produire en s’appuyant sur la préservation de l’environnement et pour apporter de la qualité, de la quantité et de la diversité à notre alimentation.

Culture en hydroponie. Source : Istock - Crédits :Tatomm.

Culture en hydroponie. Source : Istock – Crédits :Tatomm.

Je précise que l’agroécologie n’encourage pas un retour en arrière en promouvant uniquement d’anciennes méthodes souvent associées à une pénibilité du travail tout en espérant de meilleurs résultats. Au contraire, nous avons besoin de professionnels qui acquièrent des compétences aussi pointues que diverses afin d’avoir une batterie de possibilités techniques pour mettre en place la meilleure agriculture possible. A ce titre, je souhaite rappeler que les agriculteurs sont des entrepreneurs. Ils doivent exercer plusieurs métiers simultanément : la production, la vente, la recherche de financements et de partenaires etc. Nous devons toujours garder cela à l’esprit pour préparer les jeunes à reprendre des exploitations.

L’enseignement numérique prend aussi de plus en plus de place. En effet, les élèves ont besoin de maitriser les outils de la gestion et du commerce en ligne. Les agriculteurs sont toujours plus sollicités pour proposer un commerce de proximité afin de répondre aux exigences des consommateurs et cela se passe en ligne. Au-delà, les technologies de pointe s’invitent de plus en plus dans la gestion quotidienne des exploitations. On voit par ailleurs l’intérêt pour l’agriculture urbaine se développer, dans des formes basiques comme les potagers urbains mais aussi plus complexes comme l’hydroponie (culture de plantes irriguées par une solution contenant les nutriments essentiels) ou encore l’aquaponie (culture de plantes et élevage de poissons réunis dans un même système). Ces modèles produisent des produits de haute qualité à proximité des consommateurs.

Il est important de faire connaitre la complémentarité des modèles de production aujourd’hui. Créer des oppositions entre ces modèles est dépassé. Notre fédération propose un maximum d’outils aux élèves pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires et de s’adapter à différentes situations. Cette diversité de besoin appelle à davantage de variété dans les enseignements et les méthodes de transmission des connaissances. Ainsi nous devons sans cesse renforcer les nouveaux outils de formation (toujours plus de digital, de contact avec les professionnels, de projets concrets etc.) et les nouvelles disciplines.

Comment préparer des professionnels capables de s’investir dans différents types de structure : de la start-up à la grande entreprise ?

Le lien avec les entreprises, grands groupes tout comme PME, fait partie de l’ADN des écoles de la fédération France Agro³. Les entreprises locales forment un maillage dense sur le territoire de chaque école : on y retrouve nos diplômés. Ils entretiennent les relations avec leur ancienne école et participent ainsi aux liens étroits entre les deux.

Notre enseignement porte aussi sur l’agroéconomie et le commerce international agricole et alimentaire. La France est une importante puissance exportatrice en matière agricole. Nos écoles ont toujours préparé les professionnels à l’avenir pour non seulement nourrir la population nationale mais aussi exporter. Nous préparons au mieux les élèves qui veulent se lancer dans des petites structures tout comme ceux qui souhaitent travailler au sein de grands groupes.

Fruits prêts pour l’exportation. Source : Istock – Crédits :dusanpetkovic.

Dans leur carrière, les jeunes professionnels changent plus régulièrement de type d’entreprises (champ d’activité, taille, localisation) et nous devons préparer nos élèves à cela.

Il y a également de plus en plus d’élèves qui souhaitent créer leur propre entreprise. Je suis frappé aujourd’hui par la place grandissante des start-ups dans la Food Tech et l’agronomie en général. Plusieurs d’entre elles sont prometteuses en matière de production innovante.

Cela paraissait tenir de la science-fiction, il y a encore quelques années mais aujourd’hui des entrepreneurs se saisissent de ces sujets. C’est encore timide en France mais notre rôle est justement de préparer nos élèves à ce type d’entreprenariat. Les grandes entreprises apprécient aussi ces profils qui ont une première expérience entrepreneuriale. Il y a en effet de plus en plus de rachats de petites structures par des groupes afin de bénéficier  de leurs apports technologiques. Le soutien aux petites entreprises, via des incubateurs de start-ups présents dans le réseau de chaque école, permet de soutenir des projets innovants menés par nos élèves ou nos jeunes diplômés.

Autre tendance ces dernières années : nous accueillons des néo-ruraux sur les bancs de nos écoles. Ces nouveaux profils sont une chance pour l’enseignement agricole car ils apportent une vision neuve. Leurs incertitudes questionnent les modèles en vigueur, ce qui nous obligent à infléchir certaines pratiques.

Enfin, à la suite de la pandémie, la notion de campus est essentielle dans les régions. Les étudiants vivent, se forment et forgent leur personnalité du fait des relations sociales tissées sur le campus tout en s’appropriant des technologies d’enseignement digital pour une meilleure cocréation.

Quelles sont les défis pour votre présidence qui commence ?

D’abord nous continuons de proposer des échanges internationaux de qualité au plus grand nombre de nos élèves au-delà des problématiques de la crise sanitaire. Nos étudiants partent à l’étranger aussi souvent que possible. C’est une démarche essentielle dans le processus d’apprentissage que nous proposons. Nous accueillons en retour des étudiants étrangers. Il me semble aussi important de former des natifs des pays dans lesquels des entreprises françaises s’implantent. Ils ont ainsi le double avantage d’être parfaitement intégrés dans leur pays d’origine et de connaitre la culture des entreprises françaises s’ils souhaitent travailler pour l’une d’entre elles.

Classe internationale. Source : Istock – Crédits : Drazen Zigic.

Classe internationale. Source : Istock – Crédits : Drazen Zigic. [/caption]

Le savoir-faire agricole français reste un atout à l’international. Cette réputation est une chance : c’est une des raisons pour lesquelles les élèves étrangers sont en demande de nos formations. Encourager les échanges entre étudiants est une vraie plus-value. On doit permettre à plus d’élèves de se rendre à l’étranger pour apprendre différemment et faciliter la venue des élèves internationaux qui souhaitent profiter de nos enseignements.

Ensuite il ne faut pas oublier cette question essentielle : comment faire de l’enseignement agricole français un atout pour le pays ? Cette question reste valable pour tous les acteurs du secteur. France Agro³ prend sa part et peut fédérer autour d’elle davantage de partenaires pour faire grandir l’enseignement agricole. Cela peut prendre de multiples formes : il ne faut fermer aucune porte ni exclure aucun projet. Aujourd’hui l’enseignement agricole français compte des acteurs très différents qui peuvent avancer ensemble sans pour autant que nous soyons tous adhérents à la même structure. Je pense ici aux lycées agricoles, aux autres structures d’enseignement supérieur, privés comme publiques, mais aussi aux formations courtes ou spécifiques aux professionnels en reconversion. Notre fédération peut proposer des projets porteurs auxquels des partenaires peuvent souscrire. Il faut mobiliser toutes les synergies sur le sujet et n’exclure aucune bonne volonté. Je crois en notre force de proposition et en notre capacité d’innovation pour développer de nouveaux partenariats.

Nous avons une très bonne équipe professionnelle et solidaire à France Agro³ qui porte nos valeurs et nos projets : ce sera un réel plaisir de coordonner nos efforts.

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