Saviez-vous que l’Ozone est un sérieux candidat pour substituer certains produits phytosanitaires en agronomie ?

par | 18 Juin 2021 | Actualités

jarres Ambaris Reine Abi Khalil

Les méthodes de lutte conventionnelles contre les maladies et les ravageurs des végétaux ont été développées autour de la chimie de synthèse. Il est donc nécessaire aujourd’hui de trouver de nouvelles alternatives, notamment en promouvant le biocontrôle. Toutefois, les techniques d’application des produits (principalement par pulvérisation foliaire) ne sont pas toujours adaptées aux nouvelles contraintes qu’implique l’utilisation de produits d’origine naturelle. C’est une des causes, clairement identifiée, du manque d’efficacité de certains produits, comme par exemple l’eau ozonée. Par conséquent, il est nécessaire de développer de nouvelles méthodes d’application afin de proposer des couples produits/méthodes d’application les plus efficients.

Rencontre avec Axel Canado, doctorant à l’Ecole d’ingénieurs de PURPAN sur la plateforme de recherche industrielle sur les technologies oxydatives pour l’agriculture et l’agroalimentaire (TOAsT). Son doctorat est en partenariat avec l’entreprise BELCHIM. Pour commencer, pouvez-vous nous décrire ce qu’est l’Ozone ?

L’Ozone est une molécule produite à partir de dioxygène (pur ou celui présent dans l’air) et se redécompose en dioxygène après réaction. Son temps de demi-vie est très faible (<1h dans l’eau), il n’y a donc quasiment aucun ozone résiduel lors de l’application sur une matrice d’intérêt. Le fort potentiel d’oxydoréduction de l’ozone lui donne une réactivité avec de nombreuses matrices organiques.

Quel est l’intérêt de l’eau ozonée en agriculture ?  

L’agriculture s’y intéresse pour remplacer les pesticides dans la conservation des fruits et la protection des cultures. L’efficacité in-vitro de l’eau ozonée pour lutter contre la croissance de bactéries et champignons a été démontrée à plusieurs reprises, notamment pour des agents pathogènes responsables des maladies de végétaux. Cependant, dans la vraie vie, il est décrit que l’utilisation de buses conventionnelles pour la pulvérisation d’eau ozonée conduit systématiquement à une perte de l’ozone dissous dans le liquide lors de la pulvérisation. Dans ces conditions il est très difficile, voire impossible, d’appliquer suffisamment d’ozone pour un traitement fongique efficace, les plantes ne recevant dans ces conditions qu’une très faible dose d’ozone.

Actuellement, des pulvérisateurs d’eau ozonée sont proposés sur le marché, notamment aux USA. Ces derniers proposent des méthodes de génération d’eau ozonée embarquée sur le pulvérisateur, mais la technologie de pulvérisation reste conventionnelle. Ils sont donc sujets aux phénomènes de désorption. Les doses d’ozone appliqués sont très faibles mais restent suffisantes pour la protection de culture en climat sec, donc la pression fongique qui caractérise le risque d’infection par des champignons pathogènes est réduite. Les faibles doses appliquées peuvent suffire à limiter le développement de ces maladies fongiques.

En Europe, le climat est plus humide, la pression fongique est plus élevée donc un éventuel traitement à l’ozone nécessiterait l’application de doses plus conséquentes pour envisager de réduire la croissance des maladies.

L’efficacité des pulvérisateurs d’eau ozonée est scrutée d’un œil attentif par les agriculteurs intéressés par les alternatives aux traitements phytosanitaires conventionnels. Les vendeurs actuels de pulvérisateurs d’eau ozonée qui ne prennent pas en compte ces phénomènes de désorption risquent de décrédibiliser l’utilisation de l’ozone comme moyen de luttes contre les maladies végétales, alors que seule la technologie d’application est limitante et peut être remise en question.

Quelles sont les recherches actuelles pour répondre à cette problématique ?

BELCHIM, entreprise commercialisant des solutions de protections de cultures, s’est entouré d’un consortium d’acteurs industriels et académiques pour porter le projet SOLSTICE (SOLutionS pour des Traitements Intégrés dans une Conduite Environnementale) et répondre à un appel à projet financé par BPI France dans le cadre des Programmes d’investissements d’avenir.

Le projet SOLSTICE propose une approche avant-gardiste dans le domaine de la protection des cultures, en combinant simultanément le développement de produits de biocontrôle au mode d’action innovant et l’application de ces produits au champ grâce à des techniques d’application originales adaptées, afin de répondre aux enjeux de l’agriculture moderne. Les cibles visées par le projet concernent le mildiou, l’oïdium et les maladies du bois de la vigne pour le marché agricole ainsi que les mildious et les oïdium sur plantes ornementales et légumes pour le marché des particuliers.

Ma thèse a pour but de répondre à certains de ces enjeux.

Dans ce contexte, quels sont les objectifs de votre thèse ?

Les travaux de ma thèse ont d’abord été tourné vers la compréhension des pertes d’ozone dissous qui sont observées lors de la pulvérisation d’eau ozonée. C’est avec l’expertise de l’équipe TIM du laboratoire TBI de Toulouse sur les interactions gaz-liquide que le phénomène responsable de cette perte a été identifié. Il s’agit d’une diffusion des molécules d’ozone de l’eau vers l’air due à une différence de concentration en ozone entre la phase liquide et la phase gazeuse. Grâce aux théories de transfert de matière et aux essais expérimentaux réalisés, une modélisation du phénomène a été réalisé et a mis en évidence que le procédé de pulvérisation dispose de toutes les conditions favorables à désorption des molécules d’ozone dissoutes. Une technique innovante basée sur l’absorption lumineuse d’un colorant réactif a permis une étude locale du phénomène de transfert de matière dans les premiers centimètres après une buse de pulvérisation, où sont localisées jusqu’à 70% des pertes d’ozone observées. Fort de ces connaissances, une invention va être déposée pour proposer un procédé de pulvérisation limitant la désorption de l’ozone.

En parallèle sont menées des études microbiologiques pour déterminer l’effet de l’eau ozonée sur le mildiou de la vigne. Les premiers essais in-vitro dessinent déjà une efficacité remarquable de l’eau ozonée sur des spores de mildiou dans des conditions très contrôlées. L’efficacité de l’eau ozonée reste à démontrer lors de son application sur feuilles et plants infectés de mildiou, notamment par pulvérisation.

© L’eau ozonée ajoutée à l’inoculum à droite « inactive » les spores et limite l’infection des spores de mildiou sur la feuille – Axel Canado.

Un dernier mot ? Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur l’eau ozonée ? Quel est votre parcours ?

Très jeune j’ai rapidement eu envie de travailler dans le domaine de l’environnement, probablement car nous y sommes sensibilisés depuis notre jeunesse. J’avais également une forte attirance pour les matières scientifiques tel que les maths, la physique et la chimie. Je me voyais travailler dans les énergies renouvelables.

Pour cela j’ai d’abord rejoint l’INSA de Toulouse pour y faire ma formation et me spécialiser en génie des procédés et de l’environnement.  C’est là que j’ai appris de nombreuses choses relatives à la gestion de l’eau (potabilisation, dessalement, transports…) et de l’énergie (optimisation, mixte énergétique, dimensionnement…) qui sont pour moi des besoins essentiels de l’Homme, boire et se chauffer. Après cette formation, j’avais une très forte envie de me tourner vers un dernier besoin essentiel : l’alimentation.

C’est sous les conseils de mon ancien professeur et actuel directeur de thèse que j’admire, que j’ai été mis en relation avec l’Ecole d’ingénieurs de Purpan qui dispose de laboratoire de recherche en agronomie. Mes compétences en chimie ont été apprécié pour s’intéresser aux interactions entre l’eau et l’ozone gazeux lors de la pulvérisation. Les enjeux et perspectives de ce projet de thèse répondaient totalement à mes attentes et aujourd’hui je me trouve très chanceux de pouvoir travailler au quotidien sur ces problématiques qui débouchent sur de vrais enjeux sociaux et environnementaux. La thèse est une très bonne expérience professionnalisante en recherche que je conseille à tout esprit curieux.

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