Biotechnologies végétales…Quesako ?
Plantes cultivées et biotechnologies… Le lien n’est pas tout de suite évident, mais c’est pourtant une étape majeure dans la longue histoire de la domestication des plantes par l’Homme. Grâce aux recherches sur les technologies du vivant, la transgénèse et l’édition génomique ont vu le jour ouvrant des possibilités de modifications génétiques des cultures. Voyons ensemble les principes de ces deux méthodes.
C’est quoi la transgénèse ?
La transgénèse correspond au transfert de gènes entre espèces différentes et donc à la création de nouvelles variétés de plantes. Cette biotechnologie s’est développée dans les années 80 avec pour objectif d’améliorer la résistance d’une plante face à la sécheresse, face à la salinité des sols, à un herbicide ou à un insecte ravageur.
Comment le gène est introduit dans la plante ?
Prenons un cas concret, celui des pommes de terre. Les chercheurs ont longuement travaillé sur son cas afin de modifier son génome pour qu’elles deviennent capable de produire une toxine pour se protéger des doryphores. C’est un insecte certes très mignon mais qui a la fâcheuse tendance de réduire les feuilles de pommes de terre à de la dentelle… Ce que vous comprendrez, devient problématique lorsque ladite pomme de terre veut faire un peu de photosynthèse pour grandir.
Ils ont observé le vivant et notamment une bactérie nommée « Bacillus thuringiensis » qui produit une toxine détestée par les doryphores. Elle possède donc un gène codant pour la production de cette toxine. L’idée des chercheurs a été la suivante : « Et si ce gène était directement intégré dans le génome de la patate, elle pourrait se défendre toute seule ? L’agriculteur n’aurait plus besoin d’intervenir pour protéger son champ de pomme de terre. » L’idée est intéressante mais…
Comment faire le transfert d’un gène d’une bactérie à une pomme de terre ?
Jusqu’à présent, on n’a jamais vu une bactérie tomber amoureuse d’une patate aussi jolie soit elle… Or, dans le règne animal comme végétal, les gènes peuvent être modifiés au cours de notre vie ! Les bactéries ou les virus qui nous infectent, injectent souvent dans nos cellules des fragments d’ADN. Sympa, surtout qu’on ne leur a rien demandé… C’est donc cette capacité de transmission qui va être utilisée dans le cas de notre pomme de terre.
Les chercheurs ont utilisé une autre bactérie « Agrobacterium tumefaciens » très répandue dans les sols. Ils lui ont introduit le gène de la toxine ( de l’autre bactérie) pour qu’elle devienne un vecteur de transmission. Etape assez simple, vu le faible niveau de complexité d’une bactérie… c’est-à-dire 1 seule cellule avec 1 seul morceau d’ADN appelé plasmide.
Des cellules de la pomme de terre ont alors été cultivées in vitro avec Agrobactérium qui va faire son boulot de transmission de gène en infectant les cellules de la patate. Ce transgène est alors intégré de manière aléatoire dans le génome de la pomme de terre. Il en fait déjà beaucoup, on ne peut pas en plus lui demander de le mettre à un endroit stratégique… Mais c’est bien là, la limite de la méthode.
Les cellules modifiées sont ensuite mises en culture. Ne sont alors sélectionnées uniquement celles qui possèdent bien le transgène. On passe ensuite à une étape de développement de la plante (toujours in vitro), puis on fixe le nouveau caractère par autofécondation. Et voilà, on vient de faire une plante génétiquement modifiée. Sur le papier cela parait simple (et encore si vous êtes arrivés jusqu’à ce niveau de lecture, bravo), mais dans la réalité il faut au moins 10 ans pour arriver à un résultat digne de ce nom.
Et il n’y a pas plus simple comme méthode ?
Si heureusement… Il y a une dizaine d’année, 2012 exactement, les chercheurs ont mis au point une méthode d’édition génomique appelée CRISPR-CAS. Elle est issue d’une méthode naturelle de défense immunitaire des bactéries.
Cette fois-ci, il n’y a plus besoin de bactérie pour faire le transfert d’un gène. La méthode utilise une protéine « ciseaux » appelée CAS 9, qui viennent couper l’ADN à un endroit très précis. Pratique ! Une fois la coupure faite, un morceau d’ARN complémentaire du « gène cible » (issu du système CRISPR) sert de guide pour la réparation.
Après la coupure de l’ADN par les ciseaux magiques, il y a deux possibilités :
- Soit l’ADN se répare en ajoutant des nucléotides au hasard au niveau du trou, ce qui donne une mutation et amène généralement au résultat attendu : l’inactivation d’un gène cible.
- Soit l’ADN se répare en utilisant une séquence d’ADN synthétique apporté par les chercheurs dans la cellule : le gène est alors réparé avec une nouvelle fonctionnalité.
La méthode porte ce nom imprononçable car CRISPR signifie Clustered Regularly Interspaced Palindromic Repeats soit en français, courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement inter-espacées. C’est en repérant un jour que certaines portions de l’ADN pouvaient se lire dans les deux sens (palindromes), que les chercheurs ont repéré le système CRISPR et son rôle. Cela a permis le développement de la méthode de l’édition génomique. Je vous mets au défi de caser CRISPR dans le prochain repas de famille !
L’utilisation de cette méthode « CRISPR » a reçu le prix Nobel de chimie en 2020 et s’est très largement répandue dans le monde pour sa simplicité d’exécution et sa rapidité de résultat. Elle est aujourd’hui utilisée en médecine comme en biotechnologie végétale. L’édition génomique accélère la domestication des plantes et permet également une action plus ciblée. Elle permet notamment d’introduire des caractères intéressants dans des variétés anciennes plus résistantes.
En partenariat avec Marion Huré, rédactrice et ingénieure en agriculture – qui marie les mots avec pédagogie et humour. Retrouvez Marion sur Linkedin et Instagram.