C’est quoi une tomate hybride ?
Les hybrides ne sont pas que des voitures. C’est aussi et depuis plus longtemps d’ailleurs, de nombreux fruits, légumes et céréales qui nous nourrissent. L’Homme et les plantes, c’est une grande histoire et surtout un long travail de sélection des variétés depuis la naissance de l’agriculture. Observation, tri, reproduction, croisement… Il y en a eu du chemin parcouru ! Regardons de plus près, en quoi consiste la création d’une nouvelle variété et de la technique de l’hybridation.
C’est quoi la sélection variétale ?
A partir du moment où l’Homme s’est sédentarisé, il a commencé à semer les graines des plantes qui correspondaient le mieux à ses besoins. C’est-à-dire celles qu’ils pouvaient cultiver, récolter, conserver et surtout consommer. Prenons l’exemple des tomates. Les graines des tomates dont la forme, la saveur et la résistance aux maladies semblent optimum sont, soigneusement conservées. Elles sont semées l’année suivante et le processus de sélection recommence. Les agriculteurs sont attentifs aux phénotypes déterminants, c’est-à-dire que le choix est basé sur ce que l’on voit. Mais cette méthode reste aléatoire, car de nombreux facteurs sont à prendre en compte. Les variétés obtenues sont assez différentes d’une année à l’autre car selon l’abeille qui pollinise la fleur, on ne sait pas si toutes les tomates ont le même père…Et donc si toutes les graines ont les mêmes gènes !
Ce type de sélection, dite artificielle ou massale, conduisent à des semences de variétés paysannes où les caractères ne sont pas stabilisés. Dans ce type de sélection, on ne tient pas compte du brassage génétique à chaque croisement. Du coup, les caractères comme la couleur, la taille etc… peuvent être fluctuants. Mais c’est déjà une première étape de sélection variétale qui a l’avantage de conserver une certaine diversité génétique.
Comment fait-on pour faire une lignée pure ?
Un des moyens qu’on a trouvés pour être sûre que le caractère « couleur rouge » de ma tomate soit toujours présent dans toutes les tomates : c’est de faire des lignées pures. On appelle aussi cela des générations d’homozygotes. Zygoto quoi ? Des homozygotes sont des individus qui portent les deux mêmes allèles pour le gène en question. Donc un allèle rouge de papa + un allèle rouge de maman = un bébé tomate rouge. Adieu, toutes celles un peu rose, un peu pâle ou rouge foncé… On ne garde que les rouges, on a dit ! Et pour que le caractère « couleur rouge » de ma tomate soit bien ancrée génétiquement sur les deux allèles, on effectue des autofécondations répétées. Comme ça pas de brassage génétique vue que les gamètes mâles et femelles proviennent du même individu. De nombreuses plantes font naturellement ce type d’autofécondation (on parle de plante autogame comme le blé). Et pour celles qui avaient l’habitude de recevoir le pollen d’une autre plante, on est obligé de prendre des précautions et de déposer dans le pistil le pollen de la même fleur. Au bout de la cinquième ou sixième génération, le caractère est généralement stable génétiquement. Evidemment, cela diminue le brassage génétique avec l’apparition de certaines faiblesses étant donné que l’on entretient la consanguinité… L’autofécondation a donc ses limites. Pour retrouver un peu de diversité génétique, les sélectionneurs (ceux qui font de la sélection variétale et non du football…), utilisent la méthode de l’hybridation.
C’est quoi un hybride ?
Il n’y a pas que dans l’industrie automobile que l’on va chercher le meilleur de deux technologies. En effet, pour les voitures hybrides, on décuple le potentiel du véhicule en couplant les années de savoir-faire sur les moteurs thermiques et de l’autre les atouts des moteurs électriques. Et bien pour la sélection variétale c’est un peu pareil. Pour faire un hybride, on croise tout simplement deux individus de deux variétés différentes ! Généralement, on choisit deux individus issus de lignées pures (tant qu’à faire c’est mieux pour avoir un caractère génétique bien solide) et ils deviennent les parents de notre futur hybride. En réalisant cette fois-ci une fécondation croisée (deux parents distincts), l’hybride obtenu exprime un meilleur potentiel génétique. On parle même de gain de vigueur ou d’effet hétérosis ! C’est comme ça que l’on voit aujourd’hui des tomates zébrées par exemple : c’est une nouvelle variété qui est née. Un autre exemple concret est celui du maïs hybride en agriculture, qui a permis une hausse des rendements et surtout des plantes plus homogènes entre elles grâce au croisement de deux variétés aux bonnes capacités génétiques.
L’hydride obtenu va ensuite passer de nombreux tests pour être sûr de sa stabilité génétique. En effet, avec la fécondation croisée on recrée un individu hétérozygote (deux allèles différents, celui de papa et celui de maman). Il est donc important de vérifier ce qui va s’exprimer lors de la croissance de la plante. Il faudra en effet environ une dizaine de générations produites pour obtenir un hybride stable génétiquement et dont des semences pouvant être commercialisées. Ce n’est pas simple d’être un sélectionneur…
Tout ça pourquoi ?
Les semences utilisées en agriculture et en maraichage en France sont majoritairement des lignées pures ou des hybride, issus du travail de la sélection variétale. Le « catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées » ressence l’ensemble des variétés existantes. Il y en a plus de 9000 pour environ 190 espèces de plantes. Toutes ces variétés ont été sélectionnées pendant de nombreuses années afin de répondre aux besoins de l’agriculture : nourrir la population, respecter les contraintes de qualité et de standardisation et aussi répondre aux enjeux du changement climatique avec des cultures qui doivent résister naturellement aux aléas (température, sécheresse, ravageurs…). Mais pour figurer au catalogue et avoir le droit de commercialiser une nouvelle variété, il faut montrer patte blanche ! La variété passe une série de tests complexes, au champ comme au laboratoire pour prouver de sa stabilité génétique, de son homogénéité dans toutes les semences et aussi de son originalité. Eh oui, elle doit avoir un petit plus différent d’une autre variété déjà existante. La création d’une variété est longue et coûteuse. La production et la commercialisation des semences est une activité indépendante du travail des agriculteurs. Une filière professionnelle s’est construite protégeant le travail de recherche et légalisant le commerce des semences. Vous aurez sûrement une petite pensée, la prochaine fois que vous cuisinerez !
En partenariat avec Marion Huré, rédactrice et ingénieure en agriculture – qui marie les mots avec pédagogie et communication. Retrouvez Marion sur Linkedin et Instagram.