Epât’ Moi, une pâte à tartiner chocolat-noisette sans cacao : nos étudiants ont du talent !
La 21e édition du concours Ecotrophélia a débuté . Parmi les projets présentés, on compte l’ingénieuse et novatrice pâte à tartiner sans cacao, Epât’ Moi. A l’origine de ce projet, 6 étudiantes en 5e année à l’école ISARA : Laure MAURIN , Inès TOURCIER , Solène GALINIER, Chloé JULLIEN , Julia DA PRATO et Emma COLOMBET.
Le concours Ecotrophélia a pour objectif de sensibiliser les étudiants et les enseignants au thème de la création d’entreprises et de donner des chances supplémentaires de succès à des jeunes porteurs de projet.
Est-ce que vous pouvez nous pitcher Epât’ Moi en quelques mots ?
Nous avons créé une pâte à tartiner à la saveur chocolat-noisette à base de caroube, plante au goût de cacao naturellement sucré. Nous parvenons à obtenir cette saveur de chocolat sans arôme artificiel et avec beaucoup moins de sucre ajouté que dans une pâte à tartiner conventionnelle. Les caroubiers poussent principalement en Méditerranée, nous nous sommes approvisionnées en Sicile. Edouard JEAN, responsable du CAPTE (Collectif d’Acteurs pour la Plantation et la Transition Environnementale) va nous aider pour la suite à développer le projet d’une filière en France. Nous avons ainsi trouvé un fournisseur qui propose de la caroube issue de l’agriculture biologique. Ce choix était important pour nous afin de s’inscrire dans une démarche responsable. Tous les autres ingrédients de Epât’ Moi sont d’origine française. A la création, notre objectif était double : proposer un produit chocolaté gustativement et nutritionnellement satisfaisant et respectueux de l’environnement. Dans cette recherche, nous avons fait le choix de la caroube comme une alternative soutenable au cacao : le caroubier est moins gourmand en eau, préserve davantage les sols de l’érosion et son voyage pour arriver jusque dans nos assiettes est beaucoup plus court que celui du cacao !
Au XVIIIe siècle, la caroube était cultivée dans le sud de la France mais, par manque d’application industrielle, la culture a été abandonnée. Notre projet est une tentative pour faire renaitre cette culture en France et obtenir une pâte à tartiner 100% d’origine française d’ici 10-15 ans. Aujourd’hui les industriels français utilisent principalement la caroube pour sa gomme épaississante qui rentre dans la composition de certains laits infantiles ou glaces. Il s’agit du E410. Il est très utile car il n’a ni odeur ni goût. Nous nous proposons d’utiliser une autre partie de la plante, soit la pulpe qui a un goût naturellement chocolaté. A l’inverse, au Maroc ou en Espagne, les filières de la caroube sont beaucoup plus développées comme un substitut au chocolat. La sève est aussi utilisée pour fabriquer un sirop sucré naturellement.
Comment est née cette idée d’une pâte à tartiner chocolat-noisette sans cacao ?
En mars 2021, notre groupe était composé de 3 personnes inscrites dans le parcours entrepreneuriat avec un domaine d’approfondissement centré sur le développement de produit. Nous voulions proposer une alternative au cacao mais sans parvenir à trouver la recette adéquate. En nous intéressant à la caroube, nous avons envisagé de faire toute sorte de recettes : mousse, gâteaux, biscuits, tablettes de chocolat. Ce dernier produit posait un problème car nous n’avions pas d’alternative au beurre de cacao, essentiel pour faire des tablettes. Concernant les biscuits, notre étude de marché nous a montré que les consommateurs étaient peu réceptifs à une innovation en la matière. La mousse n’avait pas une texture et un goût satisfaisants. Bref, nous étions en mal d’inspiration. En septembre, 3 personnes ont rejoint le groupe, avec un parcours marketing et c’est à partir de ce moment que notre attention s’est portée sur la pâte à tartiner grâce aux différentes études de marchés que nous avons mené. C’est un produit phare sur le marché, on estime que les Français en consomment 3 kilos par seconde soit environ 300 000 pots par jour.
Pourquoi cette préoccupation environnementale à propos de la culture du cacao ?
Nous voulions rendre accessible le chocolat en mettant en lumière les problèmes que peuvent engendrer la culture du cacao : les conditions de travail dans les cultures sont très dures, des enfants y participent. Des forêts sont rayées de la carte pour laisser place aux cacaoyers qui sont eux-mêmes très gourmands en eau. Ces plantations sont réparties dans les régions tropicales et les fèves de cacao font un long voyage pour arriver jusqu’à nous.
Conscientes de cette situation, il nous tenait vraiment à cœur de proposer une alternative. Nous avons récolté des avis de consommateurs lors de notre étude et nous nous sommes aperçus que les consommateurs sont au courant des limites de la culture du cacao. Cependant, le fait que le chocolat soit un aliment « plaisir », particulièrement plébiscité, pousse les consommateurs à faire l’impasse sur leur conviction. De nombreux producteurs proposent aujourd’hui du cacao plus éthique, mais notre projet permet de proposer plus de choix au consommateur sans renoncer au plaisir gustatif du chocolat.
Comment Epât’ Moi a été accueilli par les entrepreneurs à qui vous l’avez présenté ?
Nous avons eu la chance de passer devant une trentaine de PDG dans le cadre d’une présentation organisée par TERRA ISARA (fond de dotation de l’école). Nous avons eu la chance d’être entendu par le PDG de Valrhona , Jean Luc Grisot, producteur important de chocolat en France qui a été très intéressé par notre produit. Nous étions un peu stressées à l’idée d’avoir son retour mais il a été particulièrement attentif et ouvert à notre proposition. Pour lui, proposer une alternative au cacao n’empêche pas de proposer aussi un chocolat avec du cacao de bonne qualité et plus durable. Il y a de la place pour plusieurs possibilités sur le marché !
Nous avons aussi rencontré Christian BARQUI, l’ancien PDG de Florette qui nous a aidé sur le plan de financement. Le président de Prosol, Hervé VALLAT, nous a raconté son parcours d’entrepreneur et comment la majorité des entrepreneurs passent par des moments de réussite mais aussi d’échec . Il a proposé un référencement de notre produit dans son magasin ! De même, Emmanuel BREHIER et Benoit PLISSON, co-fondateur d’Hari&Co, nous ont présenté leur parcours d’entrepreneur qui commença pendant leurs études. Enfin nous avons eu un échange avec Jacques MARCON, chef étoilé des maisons Marcon. Tous nous ont raconté leur succès et leurs problèmes, c’est rassurant de voir que des grands patrons ont aussi des parcours pluriels.
Comment voyez-vous l’avenir de Epât’ Moi ?
Plusieurs d’entre nous se posent sérieusement la question de poursuivre l’aventure après le diplôme ! Le fait d’avoir rencontré des patrons d’entreprises de l’agroalimentaire nous permet de mieux comprendre ce que signifie vraiment être à la manœuvre d’un tel projet. Nous avons réussi à développer une saveur choco-noisette sans cacao, nous voudrions l’appliquer à d’autres produits que la pâte à tartiner et surtout à plus grande échelle avec des applications industrielles.
Ce qui est important c’est de proposer différents produits aux consommateurs pour lui permettre de choisir. Nous ne souhaitons culpabiliser personne, manger du chocolat n’est pas une mauvaise chose. Si nous pouvons en consommer moins pour limiter notre impact environnemental sans nous priver de chocolat car il existe une alternative accessible sans cacao, alors l’objectif est atteint ! C’est la même chose pour les substituts à la viande à base de protéine végétal. L’objectif n’est pas d’abolir le carné dans l’assiette mais de réduire sa présence en faisant appel à des substituts savoureux, abordables et durables.
La participation au concours Ecotrophélia est formatrice a plus d’un titre : nous avons l’expérience d’une aventure entrepreneuriale avant d’être diplômé. Nous avons géré un projet en autonomie sur de nombreux points et être responsable au sein d’un groupe a été aussi particulièrement formateur. Nous avons été guidés par nos tutrices qui nous ont orienté pour être toujours plus indépendantes et en capacité de faire des propositions. Nous remercions l’ISARA et toutes les personnes qui sont intervenues dans notre projet et qui nous ont soutenu. A ce titre nous remercions particulièrement Hélène SCION, Beatrice Lado-Diono et Christine MONTICELLI.